Rencontre avec Philippe Mistral, chef d’expédition et co-réalisateur du film Waorani

Pierre-Marie HUBERT est le réalisateur du film “Francis Hallé, le passeur d’arbres”, sélectionné en compétition officielle du festival What A Trip ! en Occitanie. Il s’est prêté au jeu de l’interview aventurier pour l’équipe du festival à quelques jours de l’ouverture du WAT. 

Pierre Marie Hubert

Philippe, quel est votre parcours et qu’est-ce qui vous conduit à présenter votre film au WAT ?

Géographe de formation, devenu environnementaliste sur le terrain, je travaille depuis 12 ans dans l’organisation d’expéditions en milieux particulièrement reculés du globe.

De retour en France il m’importe de sensibiliser le grand public à travers la réalisation de documentaires et en tant que conférencier dans les entreprises.

Le WAT est un festival moderne qui a démarré très fort et qui fait aujourd’hui partie des festivals incontournables en France, c’est donc un privilège que de pouvoir être sélectionné ici.

Quel est le sujet du film que vous présentez au festival ? Quelle est la thématique traitée et pourquoi l’avoir traitée ?

La déculturation des peuples premiers est une menace sournoise et ô combien efficace qui pèse aujourd’hui sur les ethnies amérindiennes d’Amazonie mais qui reste invisible dans les médias faute d’images spectaculaires comme pour les méga feux de forêt, les bulldozers qui déforestent ou encore les industries minières et pétrolières qui ravagent l’environnement…

La déculturation décime pourtant les peuples amérindiens comme elle l’a fait en Amérique du Nord, au Groenland ou encore en Australie. Ces populations autochtones d’Amazonie disparaissent en étant absorbées dans notre attirante société moderne et capitaliste et deviennent des nouveaux consommateurs.

D’où vous est venue l’idée de réaliser ce film ? 

J

En tant qu’environnementaliste j’ai travaillé plusieurs années dans la conservation de milieux naturels particulièrement reculés du globe et dans l’aide aux populations locales. Cette expérience du terrain essentielle m’a convaincu que l’on peut tous agir à son niveau, même au bout du monde lorsque les autorités locales n’arrivent pas à suivre, même lorsqu’il n’y a aucune autre structure sur le terrain sur laquelle s’appuyer, même lorsque les territoires ne sont pas connus, même lorsque l’on n’est pas spécialiste ou que l’on n’a pas de financement.

Se résoudre à ne pas partir, à ne pas agir, pour toutes ces raisons précédentes n’est pas une excuse valable pour moi. Et mon expérience professionnelle m’a prouvé à maintes reprises qu’avec beaucoup d’énergie on peut déplacer des montagnes.

Ainsi lorsqu’en 2019 j’ai rencontré cette communauté waorani en Amazonie équatorienne, j’ai tout de suite compris leur problématique de déculturation et la détresse dans laquelle ils étaient.

J’ai su que j’avais une compétence suffisante pour les aider alors j’ai décidé de revenir sur le terrain en 2021 en montant ce projet pour, à la fois étudier et comprendre ce phénomène de déculturation à l’échelle locale et ensuite pouvoir leur apporter des pistes de solutions pour les aider. Il a juste fallu que je m’entoure des bonnes personnes pour monter cette expédition et lorsque tout était prêt je me suis dit, « tiens, et pourquoi pas raconter cette aventure au travers d’un documentaire ? ».

Voilà comme le projet du film est né.

Comment s’est déroulé le tournage ? Avez-vous des anecdotes à raconter ? 

L’expédition étant condensée sur 2 semaines à peine, alors le tournage était court et intense ! Surtout pour ma collègue Caroline Lelièvre, co-réalisatrice et seule personne à tenir la caméra, le tout dans des conditions amazoniennes que vous imaginez bien compliquées, d’autant plus que nous étions en itinérance tout au long de l’expédition. Donc pas le temps de se poser ou presque !

Malgré toutes les galères de recharges électriques, de météo imprévisible, de buées dans l’objectif qui ont fait rater des séquences ou des plantages de drone dans la forêt ou juste au bord de la rivière, nous avons réussi à capter toutes les ambiances de la forêt, une faune surprenante et variée, des portraits humains vraiment émouvants ou encore des images « interdites » comme avec les stations pétrolières. Une sacrée réussite donc !
Une anecdote forte est l’arrivée dans le village amérindien après presqu’une semaine de traversée dans la forêt en autonomie totale. Nous avons été accueillis au bord de la rivière par toute la communauté du village dans un long chant traditionnel waorani, puissant, vibrant, très impressionnant !

Qu’attendez-vous de votre venue au festival en septembre ? Connaissiez-vous le festival ?

J’avais rencontré Romain il y a quelques années aux Natural Games lorsqu’il lançait son festival, à y repenser c’était touchant d’assister à la naissance d’un tel projet mais je n’avais pas eu moi-même l’occasion de venir ensuite présenter un film. Aujourd’hui je suis donc curieux de découvrir cet évènement déjà célèbre et avec un public voisin car je viens d’à côté, vers Avignon. Je suis également intéressé de rencontrer d’autres acteurs du milieu car les festivals sont presque la seule opportunité de l’année pour nous réunir.

 

Francis Hallé

Quel est le plus beau voyage que vous ayez réalisé ? Pourquoi ? 

A Paris quand j’étais jeune, j’étais amoureux ^^

Mais concernant les expéditions, les premières ont toujours une saveur particulière comme ma première expédition amazonienne dans les légendaires monts Tumuc-Humac en 2012 ou lors d’un voyage presque initiatique au coeur du Sahara, dans le Sud de l’Algérie en 2009.

Deux milieux pourtant diamétralement opposés ! D’un côté la surabondance du vivant en Amazonie qui grouille à tous les niveaux, tout en restant presque invisible et ordonnée.

De l’autre dans le Sahara, les éléments sont sous la forme la plus épurée qui soit : minéral intemporel presque observateur, vent insaisissable, lumière impériale de l’astre solaire.

Dans ces 2 univers fascinants je retrouve paradoxalement le même état de contemplation, la même sérénité. Certainement parce que j’arrive à accueillir leur mystère au quotidien.
C’est comme si j’avais finit par accepter là-bas, le yin et le yang d’un seul et même monde.

Avez-vous de nouveaux projets de voyage ou de films ?

Bien sûr ! Il est important pour moi de boucler la boucle. De revenir sur des lieux d’expéditions dans lesquels j’ai vécu des moments forts, des rencontres importantes dans ma vie. Et justement prendre le temps de montrer aux populations locales les films réalisés, c’est une mission que je considère comme essentielle. On leur a quelque part « pris » leur image, leur histoire, il est temps de la leur rendre 🙂

Voir le film 

Samedi 28 septembre à 13h  

Salle Rabelais Montpellier 

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